Glozel en bref

En 1927, Glozel est communément connu, non seulement en France mais aussi dans de nombreux pays européens. Quelques années plus tôt, il n’est encore que le nom d’un hameau discret de la commune de Ferrières-sur-Sichon dans l’Allier. Entre-temps, le labour d’un champ en friches a révélé un important site archéologique. Arrachés par le soc de la charrue, les premiers vestiges n’échappent pas à l’œil attentif d’Emile Fradin, jeune paysan de 17 ans, qui participe à ces travaux de défrichage du 1er mars 1924 et devient ainsi l’inventeur de ce qui deviendra plus tard le Champ des Morts.

Des fouilles organisées sont entreprises à partir de 1925 sous la direction d’Antonin Morlet, médecin vichyssois passionné d’archéologie. Elles se poursuivent pendant une douzaine d’années jusqu’à la seconde moitié des années 1930 et livrent près de 3000 objets de pierre, de terre cuite et d’os. Le mobilier exhumé semble avoir une vocation artistique (gravures et sculptures animales sur pierre et os) et religieuse (urnes à visage, idoles bisexuées, bobines symboliques en argile cuite). De nombreuses pièces sont aussi le support d’inscriptions. Le système de signes dont elles relèvent est apparenté aux plus anciennes écritures mais il résiste à tout déchiffrement.

La notoriété rapidement acquise par Glozel tient au débat scientifique que ses découvertes suscitent. Le problème d’abord soulevé est celui de leur ancrage chronologique. Les objets gravés et sculptés s'apparenteraient à ceux du paléolithique final, alors que le travail de l’argile cuite suggérerait des affinités avec des périodes plus récentes. Toutefois ces objets restent, pour une part, atypiques.

A partir de l’année 1927, le débat archéologique tourne brutalement à la dénonciation du faux. Toutes les tribunes sont alors sollicitées pour donner de l’écho à la controverse, notamment l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l’Académie des Sciences, le Collège de France, les deux chambres du Parlement… Glozel trouve des défenseurs illustres en Salomon Reinach, directeur en chef du Musée des Antiquités nationales et membre de l’Institut, Joseph Loth, professeur au Collège de France également membre de l’Institut, Emile Espérandieu, autre membre de l’Institut, Charles Depéret, professeur à la Faculté des Sciences de Lyon et membre de l’Académie des Sciences, Auguste Audollent, doyen de la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand… Les découvertes bourbonnaises voient se dresser contre elles des adversaires non moins éminents. Comme à l’époque de l’affaire Dreyfus, l’opinion publique se partage en deux camps retranchés, glozéliens et antiglozéliens. La querelle finit par faire place à l’arbitrage judiciaire. Plusieurs procès sont intentés qui donnent tous raison aux défenseurs du site. Mais l’issue judiciaire, en 1932, met aussi fin à l’affaire en laissant la question archéologique en suspens.

Au début des années 1970, de nouveaux moyens de datation absolue (radiocarbone et thermoluminescence) rendent opportune la reprise de l’étude scientifique de Glozel. L’initiative vient de physiciens scandinaves et britanniques. Leurs résultats confirment l’ancienneté du site et lèvent le soupçon du faux. Mais la question archéologique reste entière.

Outre l'originalité radicale de certaines pièces et la bruyante controverse qu'elles ont fait naître, ces découvertes sont passionnantes par la résistance qu'elles opposent aux tentatives d'explication scientifique. Certes les hypothèses n'ont pas manqué, mais aucune n'a réussi à ce jour à faire taire le débat...

L'ensemble de l'affaire de Glozel a fait l'objet de deux ouvrages récents :

La préhistoire chahutée - Glozel (1924-1941), éditions L'Harmattan, 2003.
Le temps enfoui - Glozel après-guerre, éditions L'Aurisse, 2022.